paroles-et-tralalas
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MortePlaine c'est ici...

La lande était calme.

Il y avait bien un petit courant d'air, un nuage, mais tout juste grisonnant... à peine effrayant...

La lande était vide. On entendait de loin en loin le chant, non, le cri perçant d'un oiseau. Et le murmure des choses. Les choses discutaient bas, mais le silence était tel qu'on les entendait bien fort, et cela résonnait dans le cœur de tous.

La lande était plate, la lande déserte retentissait parfois de quelques mots, qui semblaient courts mais en disaient long, et aussi de longs discours, mais personne n'était là pour entendre, les choses ne pouvaient écouter le flot ininterrompu de paroles. Elles coulaient comme une rivière, elles faisaient une musique douce et continue, elles étaient le cri-cri des grillons.

On écoute pas le cri-cri des grillons, ou alors on devient fou.


 

C'est alors que tout a commencé.

Dans le ruissellement des paroles, il y avait la prophétie d'une tempête à venir... Mais parmi le reste, personne, même les choses, n'ont su à temps ce qui allait se produire. Les choses ne voient rien, et entendent encore moins.


 

Il y eu un violent coup de tonnerre, et les éclairs se déchaînèrent sur la lande. Ils martelèrent la terre brûlée, les éclairs, ils la brisèrent. Il faut bien que le ciel se vide quelque part...

Il y eu du vent et de la pluie, la mousson et l'ouragan, et tout cela recouvrit la lande. Il faut bien que le ciel se vide. Il faut bien un orage pour qu'ensuite il fasse beau.

Les choses furent déboussolées, elles ne surent que faire, elles prièrent, oh oui elles prièrent de toutes leurs forces et elles se demandèrent enfin pourquoi.

La rivière et le fleuve répondirent : On vous avait prévenu. Pourquoi ne nous avez-vous pas écouté ? Nous avez-vous seulement entendu ?

La rivière dit que sa tristesse si grande qui coulait dans son flot avait atteint les cieux et se déversait maintenant sur la lande. Elle dit qu'elle ne pouvait rien faire. Il faut bien que les larmes puissent couler quelque part...

Le fleuve dit qu'il avait prit la rivière en son sein, mais que cela n'avait servi à rien. Il dit aussi que la rivière était tellement triste qu'elle risquait de s'assécher.

A ces mots, la lande frémit. Toutes les choses se turent ou sanglotèrent en silence. Plus d'eau, plus de vie.


 

La tempête faisait toujours rage. Les coups assourdissants faisaient trembler la lande. Heureusement, il n'y avait pas d'arbres solides qui furent déracinées. Les arbres de la lande sont si petits, rabougris et repliés sur eux-mêmes, ils ploient et perdent leurs feuilles, mais ne se brisent pas.

Les oiseaux étaient partis en sentant l'orage, ils avaient émigré, on n'entendait plus leur chant.


 

Les choses souffraient maintenant. La détresse de la rivière leur faisaient à tous mal... Alors ils allèrent, chacun leur tour, ensemble mais séparés, porter un peu de lumière et de chaleur à la rivière. Ils lui dirent tous leur amour profond pour elle.


 

Le vent s'acharnait encore et ses sifflements perçant agressaient les oreilles, et il pleuvait toujours, et l'eau recouvrait le sol.


 

La rivière senti que tous, ils étaient là, toutes les choses qui étaient là près d'elle, qui ne lui voulaient pas de mal, qui venait la consoler, qui venaient lui demander pardon, qui venaient enfin à elle non pas pour prendre mais pour donner.


 

Alors elle se sentit mieux.


 

Le vent, les nuages, les éclairs, tout cela est retourné se cacher dans le lit de la rivière. Elle les avait rappelés. Elle était moins triste.

La lande était couverte d'eau, le marécage nauséabond entourait toutes les choses.

Elles mirent un peu de temps à voir que la colère était passée, les choses. Elles étaient les yeux pleins de boue.


 

La lande absorbera peu à peu l'eau dans ses entrailles, et plus tard, quand on fera des fouilles géologiques, on dira : Il y eut une forte période à ce moment là.

Les choses reprendront goût à la vie, elles ne seront plus prostrée à attendre le prochain orage.


 

Plus tard, j'écouterai le clapotis tout doux de la rivière, et je m'assiérai sur la berge pour parler avec elle, pour chercher tel un orpailleur les détresses cachées dans le fond, les tristesses qui reposent et qui décantent, qui remontent à la surface quand il y a des remous.

Mais je ferai le travail au tamis, petite pincée par petite pincée. Il faut que l'eau reste pure.


 

Maintenant, peut-être que les choses mettront plus de temps avant de s'habituer au crissement des cigales.

Maintenant, peut-être que les choses, au lieu d'aller boire à la rivière pour se désaltérer, iront pour écouter son ruissellement.

Maintenant, peut-être que les choses ont comprit que la terre sèche et craquelée d'une lande ne permet à personne de survivre...

Même aux choses coriaces...

 

La lande est calme.

On entend de loin en loin le cri d'un oiseau, ils sont revenus, ils sont revenus à leur terre.

C'est à peine s'il y a un petit courant d'air.

Les choses discutent bas, mais cela résonne encore dans le coeur de tous. Et les paroles courtes ou longues sont écoutées. Non pas entendues, mais écoutées. Et les arbustes goutent de la pluie, ils ont l'air de dire : On en a vu d'autres.

 

J'espère ne jamais en voir d'autres.

Jamais.

 

Darck Crystale | 5/26/2009
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